44=Breizh interviewe les 6 inculpés

A la veille du procès d’Awen, Ewan, Hoel, Kevin, Mael et Youenn, le collectif 44=Breizh a voulu donner la parole aux inculpés pour qu’ils racontent le sens de leur engagement en faveur de l’unité territoriale de la Bretagne.

44=Breizh : Bonjour, racontez-nous un peu ce qui vous vaut de passer en jugement une deuxième fois, à la cour d’appel de Rennes cette fois-ci …

Awen : La nuit du 29 au 30 décembre 2008, nous sommes arrêtés près du palais de région des Pays de la Loire, après avoir barbouillé sa façade en signe de protestation face au refus de l’exécutif régional de mettre fin à la situation intolérable de la partition de la Bretagne. Quelques temps avant, nous avions tagué des trains TER Pays de la Loire afin de contester la communication outrancière de cette institution, orienté edans un but de création identitaire. Arrestations musclées, pressions psychologiques, nous passons jusqu’à 40 heures de garde-à-vue.

44=Breizh : Suite à cela, vous passez en procès une première fois le 12 février. Le contexte est-il favorable, y a-t-il une mobilisation autour de vous ?

Hoel : Absolument, la solidarité s’organise autour du collectif 44=Breizh : manifestations, tractages, campagne d’information et de récolte de fonds. Nous obtenons aussi le soutien de dizaines de personnalités politiques, d’associations, d’organisations politiques, de la société civile, venant de Bretagne ou d’ailleurs. Le jour du procès, il y aura jusqu’à 300 personnes pour nous soutenir. La salle d’audience est bondée et l’assistance nous est clairement acquise !

44=Breizh : C’est donc un procès à tonalité politique ?

Kevin : Notre engagement et évidemment politique, et bien que les magistrats essaient de réduire l’affaire à sa simple dimension factuelle, nous arrivons à faire de ce procès une tribune de dénonciation du problème de la partition. L’intervention de notre avocat et des différents témoins contribue fortement à alimenter cet aspect. Ce qui en ressort, c’est une opposition entre la légalité républicaine française incarnée par le vice-procureur et la légitimité de l’action militante face au déficit démocratique en Bretagne. A travers notre action, ce sont clairement l’existence et l’organisation de la région qui sont visés.

44=Breizh : Le verdict tombe enfin le 5 mars, il est lourd : 2 mois de prison avec sursis assortis de 100 heures de travaux d’intérêt général, auxquels s’ajoute 32.400 € de dommages-intérêts. Quels sont alors vos impressions ?

Youenn : C’est limpide. Si on a voulu occulter le caractère politique du procès, le verdict est clairement politique. Les lourdes réquisitions sont respectées, le motif politique balayé, le calcul des dommages-intérêts basé sur les devis autoproduits (et surévalués) par la région Pays de la Loire et la SNCF. Pour nous, on a voulu coupé court à notre engagement militant en nous faisant porter le coût des barbouillages précédents, dont un avait visé le palais de région un mois à peine auparavant.

44=Breizh : Comment faites-vous face aux conséquences financières de ce procès.

Ewan : Les frais de procédure et d’avocat sont pris en charge par l’association Skoazell Vreizh. Depuis 40, elle aide les militants bretons poursuivis pour des motifs politiques par la justice française. Merci encore et, tant qu’il y aura de la solidarité il y aura de l’espoir. SV en est l’incarnation.

44=Breizh : Depuis le procès, vous avez assisté à différentes mobilisations autour de la question de l’unité territoriale de la Bretagne. Quelles étaient-elles ?

Mael : En effet, la réunification de la Bretagne a encore mobilisé cette année. On l’a vu avec la fresque humaine notamment, à la veille des élections régionales, et qui a rassemblée 2000 personnes afin de signifier à la société et à la classe politique l’urgence de réunification. Il y a eut aussi la course pour la langue bretonne, durant laquelle nous avons effectué une action symbolique d’abattage du « mur de la partition ». Et puis bien sur nous poursuivons nos activités d’information et restons mobilisés face à l’actualité (vote prochain d’une motion au conseil régional de Bretagne). En outre, les militants de la réunification doivent faire face à une vague de répression inédite qui leur a valu pas moins de trois procès depuis début 2009.

44=Breizh : Dans quelle mesure le barbouillage s’inscrit dans cette logique de mobilisation, quel rôle joue-t-il selon vous dans la prise de conscience collective du problème de la partition administrative ?

Awen : D’abord, il faut rappeler que le barbouillage est un mode d’expression tout à fait normal dans tout mouvement social et qu’il constitue une façon d’adresser directement des messages qui sont censurer ou dénaturé par la classe politique et le système médiatique cadenassé que l’on connaît en Loire-Atlantique. On voit que ceux-là même qui empêchent toute avancée dans la résolution du problème de la partition ont été contraints de se prononcer sur ce sujet du fait de la mobilisation suscitée par les actes de barbouillage. Cela a permis aux partisans de la réunification d’accéder un espace médiatique plus importante pour avancer leurs arguments. La méthode est donc validée dans son objectif d’agitation politique. De plus elle participe du mouvement global en faveur de l’unité territoriale car étant est une méthode supplémentaire pour dénoncer la propagande de la région Pays de la Loire, qui cherche à se donner une existence à coup de campagnes de publicité onéreuses, qui versent souvent dans le révisionnisme historique.

44=Breizh : Quelles autre méthodes d’actions utilisez-vous pour faire avancer votre cause. Quel est le sens de votre engagement dans le collectif 44=Breizh ?

Youenn : Campagnes d’information, manifestations, meetings, procès, mais aussi rencontre avec des acteurs politiques, nos méthodes sont diverses. Elles tendent toutes vers un but commun : susciter une prise de conscience collective face aux effets néfastes de la partition et face aux blocages qu’elle oppose à l’instauration d’une véritable démocratie en Bretagne. Notre engagement dans le collectif traduit cette volonté d’organiser la jeunesse bretonne face à ces enjeux.

44=Breizh : Justement, vous souhaitez la réunification, et après ?

Mael : Pour nous six, la constitution d’une Bretagne à cinq départements n’est pas une fin en soi. Si elle met fin à un certains nombre de discriminations, elle ne résout pas à elle toute seule l’organisation antidémocratique des institutions françaises. Plus, elle empêche toute possibilité pour le peuple breton d’accéder à des droits collectifs. Certains d’entre nous sont engagés dans des organisations politiques qui prennent en compte ces considérations. Pour ma part, je suis indépendantiste.

44=Breizh : Le procès en appel aura donc lieu ce mercredi 16 juin à la cour d’appel de Rennes ?

Kevin : Tout à fait, rendez-vous est fixé dès 13 heures, place du Parlement à Rennes afin de venir soutenir les 6 inculpés. Il sera possible de se restaurer sur place. Ken dimerc’her ! A mercredi !

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