Que s’est-il vraiment passé à la région « Pays de la Loire » concernant le vœu anti-Réunification ?

01/02/2012

Le sujet n’aura été qu’effleuré, mais vendredi dernier, pour la deuxième fois depuis la création du Conseil Régional des Pays de la Loire, la question des limites territoriales de la région a été évoquée en session régionale. Le 21 juin 2001, le conseil régional des PdL avait réagi au vœu commun en faveur de la réunification du conseil régional de Bretagne administrative et du conseil général de Loire-Atlantique, survenu peu de temps avant une grande manifestation, par un vœu demandant l’organisation d’ «États Généraux du Grand Ouest». Resté sans suite, celui-ci exprimait la volonté des élus régionaux PdL de ne pas prendre en compte les volontés de création d’une région Bretagne à 5 départements, exprimés par les collectivités bretonne et la population. Encore une fois, le vœu déposé par le Nouveau Centre et l’Alliance Centriste aura mis en avant le projet de Grand Ouest comme étant un paravent à la Bretagne réunifiée, plutôt que l’existence d’une véritable dynamique entre régions B4 et PdL.

Jeudi 26 janvier, un vœu a été déposé au Conseil Régional des «Pays de la Loire» par le groupe Alliance Centriste -Nouveau Centre, et examiné le lendemain. Celui-ci a été rejeté par la majorité des conseillers régionaux. Nous livrons ci-suit notre analyse sur son contenu :

Laurent Gérault, à l’origine du vœu « anti-réunification »
(Alliance Centriste – Nouveau Centre)
  • Ce vœu était clairement déposé en opposition à l’amendement Le Fur-De Rugy déposé le 21 décembre dernier à l’assemblée nationale. Alors même que celui-ci avait été soutenu par un des conseillers régionaux et député du groupe AC-NC, Michel Hunault. Ce n’est pas un vœu de proposition, mais plutôt de réaction.
  • Nous soulignons que ce vœu revendique pour les «Pays de la Loire» le «pouvoir de s’autodéterminer». Dans ce contexte, rien d’étonnant à ce que nous appelions les élus du conseil général de Loire-Atlantique et de la région Bretagne à voter un vœu réclamant le «pouvoir de s’autodéterminer» à l’ensemble de la population bretonne des 5 départements bretons !
  • Nous notons qu’il y est fait mention de ce que le collectif 44=Breizh dénonce depuis plusieurs années, en l’existence d’un processus de «création identitaire». Processus visant à imposer le découpage régional actuel, infligé à la population sans que celle-ci n’ait jamais pu «s’autodéterminer» sur cette question. Nous citons le préambule du vœu défendant le découpage actuel : «Alors que notre Région Pays de la Loire agit depuis des années à l’émergence d’une identité ligérienne à travers les instances consultatives, à travers les projets culturels et sportifs régionaux».
  • Nous notons que ce vœu déposé par le conseiller Laurent Gérault énonce plusieurs contre-vérités. «En excluant les ligériens du débat référendaire, cette proposition [l’amendement Le Fur-De Rugy] contribue à diviser plutôt qu’à rassembler», ce qui est répété en ces mots par le conseiller lors de la session : «nous rejetons l’idée d’une partition des Pays de la Loire sans consultation des autres départements». Aucun département n’est exclu de cet amendement ! N’importe quel département de la région PdL, peut initier le même processus que la Loire-Atlantique. La différence que M. Gerault n’ose soulever, c’est qu’en Loire-Atlantique la création d’une région Bretagne unie est portée par la population contrairement à celle du Grand Ouest. Ce seul constat donne à voir laquelle des propositions entre statu quo, Bretagne réunie et Grand Ouest est la plus légitime démocratiquement.
  • Il n’est pas vrai que la région PdL travaille à un rapprochement particulier entre la région Bretagne et les Pays de la Loire : «Alors que notre Région des Pays de la Loire s’emploie à construire une véritable culture de projets dans de multiples domaines avec sa voisine bretonne, notamment la recherche, l’agro-alimentaire,  le végétale, la mer». Ceci n’est que l’expression de tentatives de coopérations inter-régionales, comme elles existent avec d’autres régions [voir le communiqué « Vive le Val de Loire ! »]. De plus il n’existe pas de commission ou de travail particuliers entre les deux régions qui permettrait de laisser penser à un rapprochement, contrairement à ce qui existe par exemple au sein de la commission mixte B4-CG44. En ce sens le projet de Grand Ouest n’a pas de légitimité particulière. Il n‘est en aucun cas plus «européen» que peut l’être une Bretagne réunifiée.
  • Nous regrettons que le simple fait d’énoncer que la région administrative et les élus qui en dépendent existent, soit un frein à une modification des limites territoriales. «Alors que notre Région des Pays de la Loire s’emploie depuis des années à créer une dynamique régionale avec l’ensemble des partenaires consulaires, associatifs et bien évidemment  des intercommunalités et des départements, à faire émerger des « projets ligériens ». Cela ne laisse qu’entendre la force d’inertie que représente la région Pays de la Loire.
Franck Louvrier a voté pour le vœu « anti-réunification »
(UMP)

Évidemment, et malheureusement, ce vœu ne peut s’extraire du contexte et des enjeux politiciens. Force est de constater qu’il est présenté par une partie de la droite pour lancer une pique à la majorité PS et alliés – EELV. Ceci alors même que la droite régionale souffre des mêmes indécisions sur cette question de la réunification de la Bretagne. Nous notons aussi que le groupe UMP a voté ce vœu dans ce but, tout comme Franck Louvrier qui aime à se présenter parfois comme un défenseur de l’unité de la Bretagne.

Jean-Philippe Magnen
(Vice-président CR PDL – Europe Écologie Les Verts)

Nous notons aussi que Jean-Philippe Magnen, porte parole du groupe EELV et vice-président de la région a parlé au nom de son groupe pour défendre la question de la réunification tout en n’excluant pas un processus de débat autour de la création d’un Grand Ouest. Il rappelle la position d’EELV pour des régions «cohérentes, fortes et autonomes et pour un fédéralisme différencié» . C’est selon nous la première fois qu’une telle position est avancée lors d’une session du conseil régional des PdL.

Alain Gralepois en compagnie de son mentor Jacques Auxiette
et du petit dernier, Christophe Clergeau…

Nous notons aussi que l’élu socialiste Alain Gralepois juge «l’affaire trop importante pour l’expédier d’un trait en fin de séance». Est-ce à dire que Jacques Auxiette et les responsables PS de la région ne pourront plus feindre une «question sans intérêt», du «passé», lorsque leur sera posé la question de la réunification ?

Nous le voyons, du chemin reste à faire pour faire comprendre à la majorité de ces élus que la population peut se prendre en main sur la question du cadre régional. Que certains élus demandent le pouvoir de s’autodéterminer pour la région Pays de la Loire, qu’un vice président de cette région parle d’autonomie et de fédéralisme différencié, montre aussi que les partisans de la réunification ne doivent plus se brider sur la question du futur statut de la Bretagne unie.


Le vœu anti réunification des Pays de la Loire.

27/01/2012

Le contenu du vœu anti-réunification déposé par le groupe AC-NC au Conseil Régional des «Pays de la Loire» Jeudi 26 janvier, a été publié dans la nuit sur le site de l’alliance centriste. Nous le retranscrivons ici *.

Nous notons que ce vœu se fait expressément contre le projet de laisser la possibilité aux habitants de la Bretagne d’un côté et de l’autre de la frontière administrative de pouvoir choisir leur cadre régional. Ceci contrairement à ce que nous dit le dépositaire du vœu M. Gerault dans un message envoyé sur notre site hier soir :

«Je vous invite à prendre connaissance du vœu, qui ne vise pas à “refuser la réunification”, mais plutôt à intégrer dans la réflexion les autres départements ligériens.
Laurent Gérault, Conseiller régional des pays de la Loire».

Nous rappelons les propos qu’il a tenu à la presse pour motiver ce vœu : «on en a assez de ce débat nanto-nantais sur la rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne».

* A l’occasion de la session budgétaire des 26 et 27 janvier, au Conseil Régional «Pays de la Loire», l’intergroupe de l’Union Centriste (Alliance Centriste et Nouveau Centre) a déposé un vœu relatif au périmètre régional :

«La récente adoption, en première lecture, par l’Assemblée Nationale d’un texte, relatif à l’organisation de « référendums d’initiatives partagées », présenté à l’initiative des parlementaires de Loire Atlantique et d’ile et Vilaine, ouvre certes le débat sur les contours géographiques de la Région Bretagne, mais il génère également de nombreuses questions voire inquiétudes tant sur la forme que sur le fond.
Sur la forme tout d’abord, un tel débat ne peut être traité en quelques minutes à l’assemblée et adopté par une trentaine de parlementaires, mais surtout chaque breton et chaque ligérien doit se l’approprier, en connaitre les raisons, les enjeux et les conséquences. La décision ne peut résulter que d’une large concertation, puis d’une consultation référendaire.
En excluant les ligériens du débat référendaire, cette proposition contribue à diviser plutôt qu’à rassembler. La région doit pouvoir s’autodéterminer.
Sur le fond,
–         Alors que notre Région des Pays de la Loire s’emploie depuis des années à créer une dynamique régionale avec l’ensemble des partenaires consulaires, associatifs et bien évidemment  des intercommunalités et des départements, à faire émerger des « projets ligériens »,
–         Alors que notre Région des Pays de la Loire s’emploie à construire une véritable culture de projets dans de multiples domaines avec sa voisine bretonne, notamment la recherche, l’agro-alimentaire,  le végétale, la mer…
–         Alors que notre Région Pays de la Loire agit depuis des années à l’émergence d’une identité ligérienne à travers les instances consultatives, à travers les projets culturels et sportifs régionaux, …
L’idée de scinder notre territoire régional parait aller à l’encontre de tout ce travail.

Si l’histoire de nos territoires est fondatrice du présent, si les racines identitaires sont sources d’équilibre pour chacun d’entre nous, notre rôle dans cette enceinte est d’avoir une vision dynamique et positive de notre avenir. En l’occurrence, l’affirmation de construire une région du Grand Ouest ne peut passer par l’éclatement de la région Pays de la Loire, au mépris de tous les projets et de la dynamique de développement portés sur l’ensemble des départements.
Une démarche similaire a déjà été constatée en Europe, par exemple entre le Pays de Bade et le Wurtemberg, en Allemagne. Les élus centristes sont favorables à la création d’une région Grand Ouest regroupant les régions Bretagne et Pays de la Loire. Ce rassemblement offre le quadruple avantage de respecter les contours de l’identité de chacun, de conserver les dynamiques interrégionales en cours, d’offrir une dimension européenne réelle à ce nouveau territoire et de réaliser de véritables économies d’échelle.

Nous souhaitons que notre collectivité :
–         Réaffirme sa volonté de conserver son identité et sa dynamique de projets, en rejetant en l’état l’idée d’une partition de son territoire, sans l’accord des autres départements concernés ;
–         Ouvre un large débat public sur les forces et faiblesses d’un rapprochement entre les régions Bretagne et Pays de la Loire sur l’ensemble du territoire, sur la création d’une grande région Ouest ;
–          Réaffirme qu’un éventuel élargissement devra être le résultat d’un référendum populaire.»


Pôles métropolitains, opportunité ou menace pour la réunification de la Bretagne ?

08/12/2011

44=Breizh publie ici et avec son aimable autorisation une analyse de Mikael Bodlore-Penlaez sur la création des pôles métropolitains (notamment Loire-Bretagne) et son impact sur l’unification territoriale de la Bretagne :

«Vu de Chicago, Angers, Nantes ou Rennes, c’est une même région…». C’est ce qu’Emmanuelle Quiniou, directrice générale de l’Agence d’urbanisme de la région angevine répondait à une interview du magazine municipal de la ville d’Angers (Vivre à Angers n° 355) pour justifier de la création du Pôle métropolitain Loire-Bretagne qui regroupe Angers, Nantes, Rennes, Saint-Nazaire et Brest. Ce type de réflexion est pour le moins absurde sinon fait preuve d’une négation totale de l’identité des territoires. Doit-on se positionner sur la réalité régionale en prenant en compte l’avis d’un Américain habitant à plusieurs milliers de kilomètres de chez nous, ou au contraire en prenant en compte les réalités locales et les souhaits de la population en Bretagne ou en Anjou ? Ce n’est pas parce que vu d’Europe, on ne sait pas systématiquement faire la distinction entre un Laotien et un Cambodgien que ces deux États vont souhaiter fusionner pour nos beaux yeux.

Les Pôles métropolitains, une identité commune ?

Les pôles métropolitains sont une nouvelle forme de coopération entre différentes agglomérations institués par la loi sur la réforme territoriale du 16 décembre 2010. Dans ce cadre, plus de 20 projets ont émergé en France, dont celui intitulé Loire-Bretagne. Ces pôles doivent porter un projet de développement équilibré et complémentaire notamment pour l’économie, l’urbanisme et l’aménagement. Lors du lancement de ces pôles à Paris le 5 juillet dernier, trois objectifs principaux ont été énoncés, à savoir la pertinence de l’échelle d’action, l’identité commune et le portage d’un projet de développement commun. La sémantique a toute son importance, notamment au vu du projet Loire-Bretagne qui ne paraît nullement s’inscrire dans ces objectifs ambitieux.

Le pôle métropolitain Loire-Bretagne, un non-sens

On peut légitimement s’interroger sur ce qu’on entend par l’identité commune des villes souhaitant coopérer au sein du pôle métropolitain Loire-Bretagne ? Cet espace découle plus du non-sens que d’une réelle identité commune. Quels sont franchement les liens culturels et historiques que Brest et Angers entretiennent ? Ces deux villes distantes de plus de 370 km sont à plus de 4 h 30 de route. Mais si la réflexion doit être d’ordre économique ou urbanistique, les liens ne sont pas plus évidents. Angers, métropole du Val de Loire, n’a pas beaucoup de rapport avec Brest, dont le slogan est la «métropole océane». Mais au-delà de l’incohérence se dessinent les plans de la Datar, sortis en 2005 qui voyait déjà dans cette métropole Loire-Bretagne l’embryon du futur rapprochement des régions administratives Bretagne et Pays de la Loire, cassant net toutes possibilités d’une Bretagne à cinq départements. L’organisme aménageur parisien ne s’est jamais vraiment distingué par ses «découpages» cohérents de l’espace hexagonale. Il est vrai qu’il s’est souvent adonné à des charcutages technocratiques rarement appropriés par la population, ni même les élus, souvent peu convaincus.

Angers entre deux chaises

Mais le contexte évolue assez rapidement. Du côté breton, l’analyse est sans appel. Une région à 5 départements où Brest, Nantes et Rennes coopèrent, cela est une évidence. Mais du côté angevin, les lignes bougent. À croire que les Bretons inspirent leurs voisins du Val de Loire. En effet, un nouveau pôle est en train de naître entre Angers, Tours et Le Mans, regroupant ainsi des villes qui historiquement ont toujours été proches, dans un espace cohérent qui s’appelle Val de Loire. Alors que dans les études préalables au projet du Grand-Paris, l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France (Les cahiers de l’IAU n° 153) considère la région nantaise comme une simple banlieue parisienne, Nantes et Rennes se posent la question d’une coopération beaucoup plus poussée pour faire contre poids. Dans ce contexte, le maire d’Angers, Jean-Claude Antonini, souhaite coopérer plus avant avec les villes consœurs de Touraine et du Maine, au point de se rallier le chef de file de l’opposition Laurent Gérault, qui déclarait au webzine Villactu.fr en février 2011 se réjouir de l’initiative du maire et «attendre beaucoup de ces nouveaux échanges, la place et l’avenir de l’Agglomération angevine en dépendent, face à l’hégémonie grandissante de l’axe Nantes-Rennes».

Georges Gontcharoff, spécialiste des questions de démocratie participative, enfonce le clou et émet des sérieux doutes sur la pertinence de certains pôles. Il affirme dans une analyse qu’il fait du rapport du membre du Conseil d’État, Jean-Jacques de Peretti (note n°64 ADELS/UNADEL), que «l’Espace Métropolitain Loire-Bretagne (EMLB) existe, mais ne se transformera peut-être pas en pôle métropolitain. (…) Un pôle métropolitain s’explore entre Tours, Angers et Le Mans. On voit donc qu’Angers est tiraillé entre plusieurs logiques».

L’espace Loire-Bretagne, opportunité ou menace pour la réunification ?

La constitution des pôles métropolitains permet aujourd’hui d’envisager deux scénarios, même trois. L’un est favorable à la réunification de la Bretagne et l’autre la fait s’éloigner encore un peu plus. Si Angers décide de se rapprocher de Tours et du Mans et que Brest, Nantes, Rennes et Saint-Nazaire s’unissent, on peut imaginer le meilleur pour l’avenir de la Bretagne à 5 départements. Angers retrouvant naturellement le Val de Loire comme espace de coopération, la cohésion régionale s’en trouvera d’autant renforcée.

En revanche, si l’acharnement technocratique persiste à construire un territoire difforme et sans identité réelle à travers l’espace Loire-Bretagne, on risque de se trouver dans une situation qui conforte encore plus la constitution d’une région Grand Ouest. Cela anéantirait par la même occasion l’idée d’une Bretagne réunifiée, et ferait peser le risque de disparition pure et simple de la région Bretagne.

Un troisième scénario, pas plus réjouissant, pourrait aboutir à un espace réunissant Angers, Brest, Le Mans, Nantes, Rennes, Saint-Nazaire et Tours.
Vous avez dit du grand n’importe quoi ?

[Source : Mikael Bodlore-Penlaez]